Les députés confirment la suppression des ZFE
Par Franck Lemarc
S’il fallait un exemple de la difficulté qu’il y a à gouverner sans majorité parlementaire, ce serait celui-là : comment un texte, à l’origine issu du gouvernement lui-même, devient finalement l’occasion de détricoter un bon nombre de mesures portées par le même gouvernement. C’est la mésaventure qu’a connue l’exécutif la semaine dernière, avec la confirmation de la suppression des ZFE – après que l’Assemblée eut été à deux doigts de supprimer également le ZAN – dans le cadre de l’examen du projet de loi de simplification de la vie économique.
« Zan » est pas passé loin
C’est mardi dernier qu’est venu en discussion une série d’amendements portés notamment par le RN et proposant, tout simplement, « d’abroger » l’article 194 de la loi Climat et résilience du 22 août 2021. Dénonçant une approche « technocratique, déséquilibrée et déconnectée des réalités territoriales » , les auteurs de cet amendement estiment que le dispositif ZAN « pénalise durement les communes rurales et périurbaines » et proposaient son abrogation, pour « ouvrir la voie à une nouvelle stratégie d’aménagement plus équilibrée, concertée et respectueuse des réalités locales ».
Cet amendement a été examiné pour la première fois mardi 27 en fin de deuxième séance, aux alentours de minuit, dans un hémicycle relativement dégarni – notamment du côté des députés du bloc central et de la gauche. Les députés Républicains étant manifestement favorables à ces amendements d’abrogation du ZAN, il semblait très probable qu’en additionnant les voix RN, LR et ciottistes, ces amendements auraient été adoptés. Juste après minuit, le président de la séance, l’écologiste Jérémie Iordanoff, a donc fait le choix de lever la séance avant le vote – en s’appuyant sur le fait que la conférence des présidents a convenu de ne pas prolonger les débats au-delà de minuit. Cette décision – de droit – a été dénoncée comme une « manœuvre dilatoire » par la droite.
Le débat a donc repris le lendemain sur ces amendements, avec cette fois une présence plus marquée des députés de gauche et du bloc central. Lors de ce débat, les députés Ensemble pour la République (marconistes) ont vivement critiqué le fait de « vouloir rayer d’un trait de plume l’objectif ZAN » , estimant préférable d’attendre le mois de septembre pour en discuter, à l’occasion du débat à l’Assemblée nationale sur la proposition de loi Trace adoptée au Sénat (lire Maire info du 19 mars). Même position du ministre de l’Industrie, Marc Ferracci, qui a plaidé pour un « aménagement » du ZAN mais sans renoncer à l’objectif fondamental de ce dispositif. Les députés de gauche et écologistes ont également défendu le ZAN avec virulence.
En face, le député LR Philippe Gosselin a plaidé que « les maires sont nombreux à faire part des difficultés soulevées par le ZAN », et estimé que l’adoption de ces amendements serait l’expression « du ras-le-bol des élus locaux ». Le RN a également invité les députés à profiter de l’occasion « offerte par le Rassemblement national de supprimer le ZAN ». Éric Ciotti a fait de même, dénonçant, à propos du ZAN, « un monstre de technocratie et une atteinte au droit de propriété et de libre administration des collectivités ».
Finalement, ces amendements ont été rejetés par 179 voix contre 127. Mais comme l’a fait remarquer un député LR dans la foulée, « si le vote avait eu lieu hier soir, le résultat aurait été bien différent. »
Fin de partie pour les ZFE
Plus tard dans la journée, les députés en sont venus à l’examen de l’article 15 ter. Rappelons que cet article, ajouté en commission par les députés (lire Maire info du 27 mars), supprime purement et simplement les très contestées zones à faibles émissions (ZFE), sur proposition là encore du RN et des Républicains, mais avec l’accord de plusieurs députés de gauche, qui se retrouvent dans l’argument selon lequel les ZFE constituent une forme de « ségrégation sociale ».
En séance, mercredi, le « bloc central » s’est donc retrouvé relativement isolé sur cette question. Le gouvernement s’est opposé à la suppression des ZFE mais avait déjà fortement reculé, en proposant un amendement (lire Maire info du 10 avril) permettant de « rénover en profondeur » le dispositif. Cet amendement proposait rien moins que supprimer 40 ZFE sur 42, en ne rendant celles-ci obligatoires qu’à Paris et à Lyon. Les 40 autres agglomérations initialement concernées auraient, elles, eu le choix d’instaurer ou pas une ZFE.
D’autres amendements ont été déposés, par des députés cette fois, pour « aménager » ou « assouplir » le dispositif, sans le supprimer.
La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a plaidé avec énergie pour le maintien d’un dispositif – fût-il allégé – qui vise à « sauver des vies » en améliorant la qualité de l’air. Les députés écologistes ont, eux également défendu les ZFE avec le dépôt de plusieurs amendements visant à rétablir les ZFE « dans leur forme initiale ».
Mais peu d’autres députés, à gauche, se sont exprimés pour défendre les ZFE. À l’inverse, même certains députés Ensemble pour la République ont rejoint la cause des partisans de la suppression complète du dispositif, comme l’alsacien Charles Sitzenstuhl. Les députés LFI ont finalement choisi de « ne pas voter pour le maintien de ce dispositif ». Dès lors, la messe était dite, et il apparaissait clair que l’on se dirigeait vers une confirmation de la suppression de ZFE.
Le dispositif allégé proposé par le gouvernement a été mis aux voix, et a été rejeté par 99 voix contre 40. L’article 15 ter, qui abrogerait les ZFE, a ensuite été validé par les députés, par 98 voix contre 51. Ce vote a été acquis grâce aux voix cumulées du RN (de loin le groupe le plus présent dans l’hémicycle au moment du vote), de LFI et des 6 députés LR présents au moment du vote. Trois députés macronistes ont également voté la suppression des ZFE (16 ont voté contre). Certains partis ont, par ailleurs, prudemment choisi d’éviter l’obstacle sur ce sujet clivant : c’est le cas de groupe PCF et apparentés, par exemple, dont pas un seul député n’était présent sur les bancs au moment du vote.
Ce texte fleuve, qui permet finalement de rassembler toutes les oppositions contre les mesures les plus diverses voulues par le gouvernement, va maintenant poursuivre son chemin parlementaire : il reste des dizaines d’articles à examiner, et le texte sera débattu dans l’Hémicycle jusqu’au 14 juin. Ensuite, il faudra réunir une commission mixte paritaire Assemblée nationale/Sénat pour tenter de trouver un compromis. Sur la question des ZFE, il est peu probable que le Sénat, dominé par la droite, fasse barrage. On peut donc raisonnablement penser qu’à l’heure qu’il est, sauf retournement surprise, les ZFE ont vécu.
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